Page 16 - Tome 5

Version HTML de base

Recueil n° 5 – 2016 10
LOS AMANTES
(
LES AMANTS
) (32 x 23 cm - huile sur toile),
par son prognathisme affirmé et son nez « en pointe », prenant forme à partir du front. Quant au traitement du corps, il diffère de
celui de
LOS AMANTES
dans sa conception. Si, dans le tableau précité, le corps est conçu de profil, ici il l’est de trois-quarts,
tandis que son visage demeure de profil. Les jambes de l’homme sont écartées. La droite est avancée par rapport à la gauche,
assurant le passage imaginaire d’une ligne médiane passant de la base du cou par le torse jusqu’à l’entrejambe. Intéressant est
aussi le jeu de jambes de la petite fille s’appuyant sur la jambe droite, laissant la gauche assurer son élan en esquissant un
déséquilibre contrôlé du corps. Le chromatisme, principalement composé de couleurs fauves (vert, jaune, gris clair), devient
assez calme en son centre, tandis que, sur les côtés, il assure une dynamique très vive, que ce soit pour souligner la présence du
petit cheval sur roues ou pour illuminer l’impact de l’idole, présentée comme une théophanie. Son visage est un masque dont la
largeur est accentuée par un bleu très foncé, presque nocturne, laissant apparaître des yeux d’un rouge incandescent. Ici encore,
la ligne appuyée au trait noir, délimite la forme dans l’espace. La dimension «
ethnographique
» de cette œuvre se dessine
surtout dans le fait que l’idole n’a pas de nom.
Elle n’est pas spécifiquement répertoriée dans le
panthéon inca
. Elle fait partie de l’identité rurale de chaque village qui place
une statuette de l’idole à ses portes en guise de protection, réalisant ainsi ce syncrétisme typique du Tiers-Monde, entre
christianisme d’exportation coloniale et culture autochtone.
Néanmoins, les deux personnages, en bas, sur les jambes de l’idole, que l’artiste estime être une invention personnelle, peuvent
également rappeler la notion très souvent présente dans le panthéon des sociétés dites « traditionnelles » des divinités
subalternes, procédant directement de la volonté de l’Être suprême dans son effort de démiurge ou, dans ce cas-ci, de l’idole.
L’Être suprême
, après avoir créé des divinités inférieures, leur laisse la tâche de terminer la création à sa place. Les lunes,
présentes sur la toile, indiquent le temps des semailles. Celle de couleur grise (à gauche) indique l’automne, tandis que cel le de
couleur jaune (à droite) indique l’été. Le petit cheval sur roulettes est le porte-parole d’un autre mythe : celui de l’enfance. Et la
tête à laquelle il est associé souligne l’esprit qui l’anime. La petite fille est l’expression de la tendresse qui illumine cette œuvre.