Page 143 - Tome 4

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Recueil n° 5 – 2016 25
est une vue de dos de la
VÉNUS DE MILO
à qui l’artiste a donné un buste dénudé recouvert au niveau du coccyx par une
tunique descendant jusqu’aux pieds.
Cette Vénus, dont le titre indique qu’il s’agit d’une tentatrice, campée au centre du tableau, est associée à celle de
BOTTICELLI
(emprisonnée à l’intérieur d’un cadre faisant office de fenêtre, derrière qui se profile un personnage inconnu, stylistiquement fort
proche de la figure située derrière l’ange Gabriel). Il s’agit de la confrontation de deux nudités procédant de la même mythologie.
Dans cette œuvre très métaphysique, la symbolique des couleurs est primordiale : le blanc est associé à la peau laiteuse des
deux Vénus dont la destination psychologique est tout aussi symbolique : celle campée au centre de la toile est statufiée, l’autre,
à l’intérieur du tableau, est portraiturée. La tentation procède de la sensualité dégagée par les œuvres. La Vénus inspirée de
BOTTICELLI
, présentée au bord du tableau-fenêtre, est portraiturée sans son coquillage sur un parterre en forme d’échiquier. Il
s’agit d’une vision calme et heureuse de la féminité. La sensualité de la Vénus statufiée est concentrée sur les plis nerveux de sa
tunique. Une fois encore, rationalité et irrationalité s’affrontent, si l’on compare les plis fébriles, presque chaotiques, de son
vêtement avec ceux extrêmement bien ordonnés de la tunique du Christ du
QUATRIÈME JOUR
(mentionné plus haut), conçus
en forme de «
M
» (c'est-à-dire dans une géométrie s’appuyant sur l’image philosophique de la raison). L’élément
surréaliste
s’exprime dans la présence de la mer, sur la gauche de la composition, ainsi que dans la conception de la lumière, conçue dans
un chromatisme associant le bleu, le vert et le jaune clairs. La dimension
métaphysique
résulte de la conception de
l’architecture, unissant colonnes antiques sur la gauche de la toile avec, à l’opposé, un mur avec, en hauteur sur quatorze dalles,
tout un panel de hiéroglyphes égyptiens accentuant l’élément mystique. La Vénus statufiée, au pinacle de sa sensualité fébrile,
évolue sur l’échiquier de la rationalité. Non loin d’elle, au premier plan, le globe miniaturisé, comme pour rappeler son essence
terrestre associé à son humaine vulnérabilité. Elle semble se diriger vers une arcade surmontée par un arc en plein cintre
donnant sur un fond noir. Est-ce la porte donnant sur le vide ? Est-ce la peur de l’inconnu qui se niche en nous ? Le visiteur
donnera sa propre réponse.
GHISLAINE LECHAT est une autodidacte. Oui… oui, vous avez bien lu : autodidacte ! Elle peint depuis des années en répondant
à l’idée de ce qu’elle perçoit. Dans son œuvre, le temps en suspension est sublimé dans un univers où le symbole se marie aux
écritures surréalistes et métaphysiques. Elle affectionne particulièrement l’acrylique et l’huile. Les personnages qu’elle peint
appartiennent à une mythologie bien souvent explorée par l’Histoire de l’Art.
À titre d’exemple, le personnage ailé, que ce soit l’ange sous la forme de Lucifer ou d’Icare, se brûle au feu de ses propres
limites. L’artiste confère au Sacré de nouveaux territoires balisés sur le terrain fertile de sa propre humanité.
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Lettres
Collection "Belles signatures" (© 2016, Robert Paul)