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Recueil n° 1 – 2012 49
Si dans l’œuvre similaire composée de quatre panneaux le mouvement, subtil et discret, est apparent, dans ce
second tableau il sollicite l’effort visuel du visiteur qui le découvre au stade infiniment embryonnaire, prenant
l’apparence du dessin sous-jacent apparaissant à la radiographie. Comme pour l’exposition précédente l’artiste
nous présente des œuvres réalisées avec la même technique, à savoir l’utilisation de papier noir en provenance
du Bhoutan à l’adhérence rapide, lequel ne permet plus d’effacer quoi que ce soit une fois que les pigments s’y
sont fixés.
À ces deux œuvres s’ajoutent quatre tableaux de dimension moyenne déjà présentés en avril dernier montrant
quatre facettes d’un visage masculin, campées en une succession de phases sur lesquelles le temps a laissé sa
trace (0,69 x 0,77 cm). L’empreinte du temps fuyant s’est déposée sur le sujet à l’intérieur du cadre quatre fois
répété, à la manière de quatre « segments » d’une même séquence, ainsi que par une polychromie à dominante
sombre, aboutissant au noir absolu montrant la façon dont le temps lui a labouré les traits.
Mais le clou de l’exposition est constitué par une série d’œuvres à dominante bleue.
Elle s’ouvre sur un univers onirique à l’intérieur duquel la figure humaine apparaît telle une incrustation
« calquée » comme une sorte d’ombre chinoise au cœur d’un monde à la matérialité presque minérale. A
l’arrière-plan se profile un ensemble de colonnades antiques, ce qui confère à l’ensemble de la composition une
dimension métaphysique. Les figures humaines partent du centre du tableau pour s’étaler sur les côtés de la
composition jusqu’à être, pour ainsi dire, « coupées » par les bords du cadre. Cela s’explique par la volonté de
l’artiste d’ « ouvrir » une porte vers l’inconnu. Une porte à la fois de sortie afin de libérer les personnages pour
qu’ils s’évadent du tableau, et une porte d’entrée à l’attention du regard pour l’inviter à se transporter derrière le
miroir (140 x 153 cm - 2012). Cette œuvre témoigne de l’expérience de l’artiste en tant que scénographe pour le
théâtre.
Elle a, en effet, conçu dans les années ’80 des scénographies pour des textes
D’ARAGON
,
D’ARMAND GATTI,
DE GARCIA LORCA
, mis en scène par
NAJIB GHALLALE
.
Et il y a certainement un effet théâtralisant dans la gestion spatiale de l’œuvre de BETTINA MASSA : le centre de
la scène est vide. Ce qui permet au regard de se diluer pour se perdre enfin dans l’espace scénique.