Recueil n° 1 – 2012 58
nous offre la vision d’un personnage tout en intériorité dans sa pensée, presque sa prière. Cette intériorité se
manifeste dans l’attitude du personnage en silhouette, replié sur lui-même, en position fœtale, à l’intérieur d’un
« ventre » tout en énergies, en lumières et en mouvements. Son immobilité réflexive tranche avec le feu d’artifice
qui l’entoure sans le perturber.
En cela, l’artiste pose une question essentielle, à savoir l’
Expressionnisme est-il mystique
? Au contact d’un
DIX
ou d’un
KOKOSCHKA
, nous poserions-nous la même question ? Probablement pas. Parce que ce style,
intrinsèquement lié par sa naissance à deux des moments les plus douloureux de l’Histoire de l’Europe (et
particulièrement de l’Allemagne), nous a trop habitués à une atmosphère de révolte, exprimée par une dilatation
généralisée du volume apporté à la figure humaine ainsi que par une mise en scène obsédante de l’espace
scénique, faisant office de protestation face à une situation humaine et sociale intolérable.
L’Expressionnisme a servi de repoussoir une première fois face à la menace pressentie de la Première Guerre
Mondiale. Ensuite, taxé d’ « entartete kunst » (art dégénéré) par le régime nazi, il a vu maints artistes s’exiler à
travers le monde vers des destins incertains.
Ne perdons pas de vue que sa naissance, au début du 20
ème
siècle, s’est voulue une réaction viscérale contre
l’Impressionnisme français, car il ne s’attardait qu’à la réalité physique du sujet, alors que le mouvement naissant
se centrait sur ses états d’âme. L’Expressionnisme se voulait avant tout « politique » car son objet d’étude était
l’Homme dans toutes ses composantes.
Pouvait-il, dès lors, aborder le courant « mystique » au sens où nous l’entendons communément ?
Néanmoins, l’Art évolue avec la société. JULIANE SCHACK, elle, nous donne à voir un Expressionnisme
parcourant un voyage intérieur. Et cela se manifeste dans un rapport intime entre intériorité et technique. Car s’il
est impossible d’atteindre l’œuvre « parfaite », du moins est-il possible de la faire vibrer par les cordes d’un
dialogue intérieur. Elle demeure expressionniste, en ce sens que ses interrogations confinent avec le Symbolisme
dans sa façon d’aborder l’activité méditative touchant presque à l’onirique.
Ce dialogue intérieur, l’artiste le poursuit dans les arcanes les plus profonds de l’iconicité byzantine.
Ses
ICÔNES
(55 x 46 cm x 3 - 2003) offrent toujours la vision mystique de personnages en silhouettes où le
visage n’est que pure cavité plastique, rehaussé d’un faisceau de lumière. Cet ensemble de six tableaux est
divisé en deux parties : une première série à dominante rouge fauve (en haut) et une deuxième caractérisée par
une palette aux couleurs tendres (en bas).